Message de notre évêque après la mort du pape François
« Si nous avons été unis à lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne. »Lettre aux Romains 6, 5.
Le Christ notre espérance est ressuscité ! Cette espérance nous l’avons chanté avec Marie-Madeleine, avec tous les disciples du Christ, avec le Pape François décédé ce lundi 21 avril, au lendemain du jour de Pâques.
Sa devise, en référence à l’appel de Matthieu (« Choisi parce que pardonné ») exprimait cette rencontre personnelle avec le Seigneur qui a orienté toute sa vie de baptisé, de disciple du Christ, de prêtre, d’évêque et de pape : « Il le regarda avec un sentiment d’amour et le choisit ».
Prions pour notre pape Francois, témoin de la miséricorde de Dieu, témoin de la joie de l’Evangile, témoin de la joie de l’Amour, pèlerin et témoin de l’Espérance…
Son ministère a été social et spirituel. Dans un monde qui peut perdre son cœur et toute sensibilité, par ses paroles et gestes forts, il nous a invité à ouvrir nos yeux, nos cœurs, nos intelligences, nos mains aux défis de notre monde pour y servir avec la joie et la force de l’Evangile, le projet de Dieu où tout est lié. Comment entendre le cri des hommes, des pauvres, de la terre si nous avons perdu l’amour ? Si nous perdons le discernement de l’intelligence du cœur, de l’intelligence de la miséricorde ?
Rendons à Dieu la grâce qu’il nous a faite à travers le ministère du Pape François au service du peuple de Dieu. Puisse le Seigneur en ce jour, le regarder avec un sentiment d’amour et accueillir son serviteur dans la joie de son maître.
+ Michel Pansard Evêque d’Evry-Corbeil-Essonnes
Homélie du Père Guy de Lachaux pour le dimanche 16 août 2020
"Femme, grande est ta foi"
à partir de l'évangile de Saint Matthieu (15, 21-28)
L'homélie est disponible en versions audio et texte...
Nous allons ensemble nous nourrir de cette page d’évangile si déconcertante au premier abord.
Au début, on a l’impression d’un scénario bien connu : quelqu’un a un grave problème et implore Jésus. Cela se retrouve à chaque page d’évangile : l’aveugle de Jéricho par exemple. Il est sur le bord du chemin et crie « Jésus, fils de David, aie pitié de moi » … mais aussi le lépreux, et Jaïre pour sa fille, et tant d’autres.
Ensuite, les scènes varient.
Les disciples interviennent pour faire taire le gêneur… mais ici, c’est l’inverse : ils demandent à Jésus de guérir sa fille parce qu’elle leur casse la tête par ses cris. Et la réponse de Jésus est cinglante : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». Comme c’est étonnant. Nous qui pensions que le message de Jésus était pour tout homme, qu’il était venu pour sauver l’humanité. Cela nous choque, et nous déconcerte. Et nous avons raison !
En fait, nous sommes là devant le mystère de toute personne humaine… Nous découvrons les choses essentielles de la vie que petit à petit, au gré des rencontres ou des événements. Par exemple, je n’ai compris la valeur du célibat qu’en le vivant. Au départ, je l’ai pris parce que « c’était compris dans le prix » ! Et puis, j’ai découvert qu’il n’avait de valeur que s’il m’ouvrait à un amour plus grand. Et aujourd’hui, je peux dire : c’était mon chemin pour ouvrir ma vie à aimer en vérité.
Eh bien, dans cet évangile, nous avons une trace de cette humanité du Fils de Dieu. Dans son humanité, ce sont les événements de la vie qui l’ont ouvert à la plénitude de sa mission divine… Et là, et c’est un comble, car c’est avec cette femme païenne qu’on prend bien soin d’appeler « la cananéenne » que nous avons une trace d’un tournant dans la vie de Jésus.
Cela nous invite à habiter notre humanité comme le lieu des révélations essentielles sur le sens profond de notre existence, même les événements les plus déroutants et les plus énigmatiques.
Mais il nous faut parler de la suite de cette page d’évangile. Elle m’a longtemps choquée, la dureté des paroles de Jésus n’étant pas recevable. Comment peut-on dire à quelqu’un qu’il n’est même pas digne de la nourriture des chiens ?
Comme toujours, quand il y a quelque chose qui heurte dans l’attitude de Jésus, c’est qu’il y a quelque chose à comprendre que je ne perçois pas… mais quoi ?
Et je me suis arrêté sur cette femme, une Cananéenne. En fait, les Cananéens, ce sont les ennemis les plus terribles du peuple hébreu. Ce sont ceux qu’ils ont trouvé en rentrant dans la Terre Promise ; ils avaient leurs dieux, les baals… des idoles ! Et constamment, ils faisaient remonter dans le peuple de Yahvé leurs anciennes croyances : des croyances en des forces supérieures qu’il fallait amadouer par toutes sortes de pratiques pour qu’elles leur envoient de bonnes choses : des cultures abondantes, des guérisons, l’amour etc. C’étaient donc des superstitions. Et c’est exactement l’inverse de ce qu’était Yahvé, qui n’est pas le dieu supérieur devant qui il fallait ramper pour avoir de bonnes choses, mais le Dieu qui faisait alliance, le Dieu qui cherchait à rencontrer l’homme, qui l’appelait et qui était tellement respectueux de sa liberté et de sa dignité qu’il était prêt, Lui, à s’abaisser. Que l’homme s’abaisse devant Lui, cela lui était intolérable.
Alors, quand cette Cananéenne s’adresse à Jésus, c’est tout cela qui remonte en Lui. Elle est dans cette manière tout à fait primaire et superstitieuse de voir Dieu. Il n’était donc pas question pour Jésus, par un miracle, de faire un signe qui laisserait croire que Dieu est comme cela. Non, Dieu ne couvre pas la superstition, l’abaissement de sa créature, les croyances démoniaques.
Et ce n’est que son regard, qui sait lire au-delà de tout ce qui divise, qui lui a permis de percevoir dans la réponse de cette femme une générosité et une foi qui a suscité son admiration : « Femme, grande est ta foi. Que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »
Cela me fait penser à un fait que j’ai vécu il y a maintenant 50 ans. Une femme, très traditionnelle, faisait le catéchisme dans l’aumônerie où j’exerçais. Et sa foi ultra-tradi m’exaspérait ! Un jour un copain de son fils a été pris en train de voler dans les poches de ses camarades pendant la séance de gymnastique. Le proviseur l’a renvoyé sur le champ. Cette femme a voulu rencontrer le proviseur pour demander son indulgence. Il n’a pas voulu la recevoir. Alors elle a assiégé son bureau pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’il la reçoive. Et elle a tellement bien plaidé sa cause que le renvoi a été suspendu. Et je me suis dit : « Peut-être qu’elle est exaspérante dans sa manière de présenter la foi, mais au moins elle, elle a aimé cet enfant jusqu’à avoir gain de cause… alors que moi, je n’ai rien fait ! » Et j’ai admiré l’amour de cette femme. C’est de ce jour que j’ai compris que notre foi n’était pas une idéologie, mais une ouverture de notre être profond à Dieu… et un élan du cœur !